dimanche 13 avril 2014

Lettre d'un adhérent de Bretagne Vivante au commissaire-enquêteur

Courrier adressé au commissaire-enquêteur par Alain Thomas, membre du Comité économique, social et environnemental de Bretagne (CESER)
La lecture de ce dossier illustre le décalage extraordinaire entre l'affirmation largement évoquée à l'échelle nationale d'une nécessaire transition écologique et la vision qui anime sans inflexion des choix industriels et économiques antinomiques.
Cela est d'autant plus criant, que les Sénans, depuis de nombreuses années, se sont engagés vers le développement soutenable. L'équipe municipale précédente a fait, par exemple, le pari du Parc Marin d'Iroise, de la gestion raisonnée des ressources marines, osant braver la passivité en la matière des communes capistes. Alors qu'au niveau national, un débat ambigu s'opère pour déconnecter la transition énergétique de la transition écologique, sur Sein, il semble qu'on a bien décidé de marcher d'aplomb en travaillant sur les deux volets. La recherche d'autonomie énergétique en est la preuve manifeste.
Sur le continent, sur cette même Bretagne où l'objectif d'excellence environnementale est également affichée, notamment par le Conseil régional, revendiqué avec circonvolutions dans le Pacte d'avenir pour la Bretagne, on semble s'obstiner dans la poursuite d'un modèle agricole qui montre, jour après jour, ses limites. Restons donc sur le cas de la filière avicole: l'actualité récente a mis en lumière l'extrême fragilité de cette filière dans le cadre d'un marché plus que jamais mondialisé. En dépit d'aides qui seront arrachées provisoirement auprès du gouvernement ou de l'Union européenne, les nouveaux grands pays exportateurs à faible coût du travail garderont la main. Personne ne souhaite voir notre région se priver de sa capacité à produire œufs et volailles, mais cela passera par la recherche de qualité des produits. Ceci est une appréciation portant sur le système productif.
Puisqu'il est question de fournir des éléments minéraux à des centaines de milliers de poules, il ne serait pas déplacé de s'interroger sur les techniques d'élevage de ces oiseaux. L'alimentation, la concentration des oiseaux (en dépit des mesures sur le confort animal qui évoluent timidement), leur dépendance permanente à des traitements antibiotiques (etc.) expliquent clairement cette carence chronique. Dois-je rappeler que derrière cette filière majoritaire de l'aviculture en Bretagne, se pose cruellement la gestion d'un parc d'équipements où l'amiante abonde et génère un puissant problème potentiel de santé publique et de contamination des sols et de l'eau. Dans les dernières étapes de la préparation du Plan Régional de Prévention et de Gestion des Déchets Dangereux en Bretagne, cette question apparaît clairement comme une priorité d'action pour le Conseil régional détenteur de cette compétence dans le domaine des déchets.
Je suppose que d'autres personnes vous apporteront des éléments de réflexion sur la question du déficit sédimentaire littoral auquel l'ensemble des côtes de France est confronté. La communauté des géographes et géomorphologues bretons et français est unanime sur ce constat. De très nombreux biologistes universitaires ou appartenant aux grandes structures de recherche mettent toujours davantage en avant la contribution exceptionnelle de ces bancs coquilliers à l'écosystème marin en général. Les arguments que je vous cite brièvement figurent d'ailleurs de façon éclairante dans divers rapports produits ces dernières années par le CESER de Bretagne (Conseil économique, social et environnemental régional).
C'est également au titre de membre du CESER de Bretagne que j'apporte cette contribution à l'enquête publique.
Par delà les divergences de vue propres à un débat public (en matière de choix économiques, en matière de rythme de mise en œuvre de la transition écologique, etc.), comment ne pas évoquer l'histoire. Sein et ses marins: "Vous êtes le quart de la France", dixit le Général de Gaulle le 7 juillet 1940 à Londres. Soixante-quatorze ans plus tard et alors que cette commune est la plus menacée en Bretagne par les risques de submersion marine, on s'apprêterait à la fragiliser davantage, oubliant ce qu'on lui doit au bénéfice d'une activité sans avenir sous cette forme, l'élevage industriel et concentrationnaire de la volaille.
Ce projet est un projet d'un temps révolu, celui des ressources naturelles jugées illimitées car mal estimées. C'est aussi celui de l'entêtement à prolonger par tous les moyens des choix économiques en perte de vitesse et d'une pauvreté en termes d'emplois, sur le plan qualitatif comme sur le plan quantitatif. A ce stade, il serait souhaitable d'estimer le potentiel de matière première issue des «déchets» (coquilles diverses) de la filière conchylicole bretonne afin de trouver une substitution rationnelle et durable aux sables coquilliers.
Ces dernières années, les Sénans ont entamé significativement cette longue transition écologique. Cette commune fait acte d'innovation. Il ne faut pas la sanctionner.

Alain THOMAS, Membre du Conseil économique, social et environnemental de Bretagne, Tréméoc, le 9 avril 2014.


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