Courrier envoyé au commissaire-enquêteur par Catherine Boudigou, médecin des hôpitaux
"L'absence totale d'objectivité des rapporteurs impose
au minimum une contre expertise par des scientifiques indépendants.
Mais les atteintes attendues à la filière pêche, et les
risques pour les rivages de l'Ile de Sein sont suffisantes pour demander
l'annulation pure et simple du projet.
La situation de la concession dans le périmètre du Parc
d'Iroise mettra ses élus devant leurs responsabilités.
Il faut y ajouter le refus de voir ces sables calcaires
aller bénéficier à une industrie agroalimentaire intensive et non respectueuse
de l'environnement que j'ai toujours combattue.
Pour toutes ces raisons, je ne peux que signifier ma
totale opposition à ce projet."
Lire l'argumentation détaillée :
Tout
d'abord on peut dire qu'on trouve beaucoup de redites et de digressions pseudo
éducatives du public qui visent nettement à donner une impression de
consistance que ce rapport n'a pas. Puisque dans le même temps, on lit
volontiers des " on estime " , " il est admis" , "il
est plus que probable", mieux encore "on espère"( p.102), etc,
autant de formulations très subjectives, peu dignes de l'objectivité attendue
de la part de scientifiques.
Trop
d'incohérences:
P.
41-42 : " pas de contamination" et juste après "elle est
dispersée""Sédiments pas évalués" mais " jugés de bonne
qualité". Madame Soleil travaille-t-elle à Créocean ?
P.44:
ça ressemble a du maerl, mais "ce n'est pas du maerl"! Trop
écologiquement sensible, le maerl.
Et
pourtant, ce n'est pas du sable banal, mais bien du sable coquiller, prélevé
précisément en vue de son utilisation dans l'"industrie" de l'oeuf.
P.45:
secteur d'intérêt pour le phytoplancton.
"En
l'absence de données bibliographiques",... Une mission est réalisée en
2010. Elle est réalisée par un sablier appartenant au pétitionnaire, et plus
destinée à évaluer l'intérêt de la concession déjà acquise, qu'à pointer les
éventuels points négatifs.
P.
48: les prélèvements sont faits dans une zone très regroupée, peu
représentative de l'ensemble de la zone concédée.
Sur
le fond: on évoque à plusieurs reprises les menaces sur les espèces benthiques
ou le fourrage des poissons pélagiques, et on les balaie d'un revers de
main.pages 52, 59, après avoir décrété la zone "pauvre en espèces".
Plus
loin , la zone est reconnue en "très bon état écologique" (p.61-62)
Les écologistes penseront qu'il faut
donc la protéger... D'autres qu'on peut en profiter. Ce sont bien deux
conceptions idéologiques et politiques qui s'affrontent.
A
divers endroits, on confirme le risque sur la chaîne alimentaire, le
phytoplancton, les poissons fourrage d'espèces très présentes et recherchées,
commercialisables : petite roussette, dorade grise, merlan, mais aussi, Saint
Pierre, grondins, raie lisse, congre, turbot ou barbue , tous dépendantes de
cette chaîne alimentaire.
Enfin
il est reconnu, par analyse de prélèvements de juvéniles ou non, que cette zone
constitue une frayère pour certaines espèces, recherchées par les pêcheurs du
secteur.
Il
est, à ce moment du rapport, indiqué que cette zone présente un intérêt pour
les pêcheurs côtiers du secteur - du Guilvinec à Dz, Sein et Audierne - en
terme de phytoplancton, poisson-fourrage, frayère et zone de pêche elle-même,
que cette zone est écologiquement riche et équilibrée avec les
pratiques
actuelles. Il n'y a donc aucune raison de
détruire cet équilibre, pas même économique.
P.92:
les effets bathymétriques directs relèvent de la lapalissade, mais ce sont les
effets indirects qui sont importants. Or P.102 on lit : "Ces constatations,
ajoutées à l’éloignement de la côte, permettent d’estimer négligeable le
potentiel d’effet indirect sur l’alimentation en sable de la façade littorale
avoisinante." "On espère, on estime" : nouveau la belle
objectivité scientifique ...irrecevable dans ce genre de démarche.
L'augmentation de hauteur des vagues,
au niveau du haut fond de Fouquet, est présentée comme minime, de
l'ordre d'une dizaine de centimètres. MAIS une vague de dix centimètres fait,
en cas de séisme dans le Pacifique, l'objet d'une alerte au tsunami.
ET en ces temps de réchauffement dans le cadre du dérèglement climatique, la
montée des eaux constatée mondialement a localement des traductions qu'on a eu
tout le loisir d'observer en Bretagne durant les dernières tempêtes de cet
hiver. Les Senans apprécieront en contemplant l'état de leur quai.
Les
possibilités de régénération des dunes après prélèvements est du domaine de
l'INCONNU...Espérons !
La
turbidité, même provisoire, et minimisée par le mode de prélèvement
(aspiration), sera néanmoins dommageable au conditions de FRAI dans ce secteur!
A contrario, l'aspiration des sables, sera nettement moins sélective sur le
phytoplancton, maillon essentiel de la chaîne alimentaire. Et on n'est donc pas
dans les effets "imperceptibles" comme affirmer, cette fois
péremptoirement, page 122.
Même
effet destructeur sur le benthos!? avec la perspective d'une "baisse
significative du nombre d'espèces" - page 124. Baisse de 75 à 80 % de la
diversité. Et ces effets négatifs seront durables puisque les prélèvements sont
prévus sur huit années, en l'état actuel du dossier.
SUR
LA RESSOURCE HALIEUTIQUE, le rapport envisage des effets comparables, quelle que soit la méthode de prélèvement. Mais de toute façon NÉGATIFS sur les espèces
BENTHIQUES qui sont une des ressources du marché de la pêche locale. Cela
impacterait donc DIRECTEMENT l'économie déjà fragile des quartiers maritimes
concernés.
Il
faut prendre en compte les effets particuliers sur les poissons fourrage et les
lançons, aliments de espèces nobles : saint Pierre, merlan, morues raie, plie ,
congre, mais aussi Grondin, turbot et barbue. Page 130.
Il
EXISTE LÀ un effet direct de DÉRANGEMENT SUR LES ESPÈCES PÉLAGIQUES et page 133,
la problématique de l'atteinte d'une zone de FRAYÈRE se confirme. Elle
"est attendue"- sur le peuplement
juvénile de chinchards, important dans la chaîne alimentaire.
Seul
le dérangement de l'avifaune peut être admis comme minime, puisque les oiseaux
n'auront qu'à aller
voir ailleurs... Entre deux dégazages.
On
peut envisager un DÉRANGEMENT DIRECT SUR L'ACTIVITÉ DE PÊCHE - page 138 . Les
effets topographiques majoreront les contraintes pour les activités
intercurrentes de chalutage en particulier.(arts traînants). Ils n'auront, eux
aussi , qu'à aller voir ailleurs, surtout à la belle saison.
page
142 - Le rapport admet des effets sur plusieurs espèces recensées comme
d'intérêt communautaire dans le cadre de Natura 2000.
Les
efforts de présentation d'informations à destination des lecteurs du rapport,
présentes page 144 sont des conditions minimales pour permettre au public un
choix éclairé! mais ces efforts ne constituent en rien un droit naturel à
l'autorisation d'exploitation, qui en découlerait automatiquement.
Les
mesures d'auto surveillance ont leur limite car on ne peut être juge et partie.
Elles sont nécessaires, mais pas suffisantes. Si ce projet venait à être
malheureusement validé, les mesures de contrôle des services de l'état devront
être portées à la connaissance du public en temps réel.
Les
modélisations proposées ont leur intérêt, mais on sait que tout modèle (sismique, météorologique) ne reste
qu'un modèle, pas des prévisions, et n'empêche aucune catastrophe.
L'absence totale d'objectivité des rapporteurs impose
au minimum une contre expertise par des scientifiques indépendants.
Mais les atteintes attendues à la filière pêche, et les
risques pour les rivages de l'Ile de Sein sont suffisantes pour demander
l'annulation pure et simple du projet.
La situation de la concession dans le périmètre du Parc
d'Iroise mettra ses élus devant leurs responsabilités.
Il faut y ajouter le refus de voir ces sables calcaires
aller bénéficier à une industrie agroalimentaire intensive et non respectueuse
de l'environnement que j'ai toujours combattue.
Pour toutes ces raisons, je ne peux que signifier ma
totale opposition à ce projet.
Docteur
Catherine BOUDIGOU-FILLASTRE
médecin des hôpitaux, navigatrice,
écologiste
Ancienne Conseillère régionale des Pays
de la Loire 1998-2004
membre de la commission industrie,
agriculture et pêche.
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