jeudi 17 avril 2014

Lettre argumentée d'une habitante d'Audierne au commissaire enquêteur

Courrier envoyé au commissaire-enquêteur par Catherine Boudigou, médecin des hôpitaux
"L'absence totale d'objectivité des rapporteurs impose au minimum une contre expertise par des scientifiques indépendants.
Mais les atteintes attendues à la filière pêche, et les risques pour les rivages de l'Ile de Sein sont suffisantes pour demander l'annulation pure et simple du projet.
La situation de la concession dans le périmètre du Parc d'Iroise mettra ses élus devant leurs responsabilités.
Il faut y ajouter le refus de voir ces sables calcaires aller bénéficier à une industrie agroalimentaire intensive et non respectueuse de l'environnement que j'ai toujours combattue.
Pour toutes ces raisons, je ne peux que signifier ma totale opposition à ce projet."




Tout d'abord on peut dire qu'on trouve beaucoup de redites et de digressions pseudo éducatives du public qui visent nettement à donner une impression de consistance que ce rapport n'a pas. Puisque dans le même temps, on lit volontiers des " on estime " , " il est admis" , "il est plus que probable", mieux encore "on espère"( p.102), etc, autant de formulations très subjectives, peu dignes de l'objectivité attendue de la part de scientifiques.



Trop d'incohérences:

P. 41-42 : " pas de contamination" et juste après "elle est dispersée""Sédiments pas évalués" mais " jugés de bonne qualité". Madame Soleil travaille-t-elle à Créocean ?

P.44: ça ressemble a du maerl, mais "ce n'est pas du maerl"! Trop écologiquement sensible, le maerl.

Et pourtant, ce n'est pas du sable banal, mais bien du sable coquiller, prélevé précisément en vue de son utilisation dans l'"industrie" de l'oeuf.

P.45: secteur d'intérêt pour le phytoplancton.

"En l'absence de données bibliographiques",... Une mission est réalisée en 2010. Elle est réalisée par un sablier appartenant au pétitionnaire, et plus destinée à évaluer l'intérêt de la concession déjà acquise, qu'à pointer les éventuels points négatifs.

P. 48: les prélèvements sont faits dans une zone très regroupée, peu représentative de l'ensemble de la zone concédée.



Sur le fond: on évoque à plusieurs reprises les menaces sur les espèces benthiques ou le fourrage des poissons pélagiques, et on les balaie d'un revers de main.pages 52, 59, après avoir décrété la zone "pauvre en espèces".

Plus loin , la zone est reconnue en "très bon état écologique" (p.61-62)

Les écologistes penseront qu'il faut donc la protéger... D'autres qu'on peut en profiter. Ce sont bien deux conceptions idéologiques et politiques qui s'affrontent.



A divers endroits, on confirme le risque sur la chaîne alimentaire, le phytoplancton, les poissons fourrage d'espèces très présentes et recherchées, commercialisables : petite roussette, dorade grise, merlan, mais aussi, Saint Pierre, grondins, raie lisse, congre, turbot ou barbue , tous dépendantes de cette chaîne alimentaire.

Enfin il est reconnu, par analyse de prélèvements de juvéniles ou non, que cette zone constitue une frayère pour certaines espèces, recherchées par les pêcheurs du secteur.

Il est, à ce moment du rapport, indiqué que cette zone présente un intérêt pour les pêcheurs côtiers du secteur - du Guilvinec à Dz, Sein et Audierne - en terme de phytoplancton, poisson-fourrage, frayère et zone de pêche elle-même, que cette zone est écologiquement riche et équilibrée avec les

pratiques actuelles. Il n'y a donc aucune raison de détruire cet équilibre, pas même économique.


P.92: les effets bathymétriques directs relèvent de la lapalissade, mais ce sont les effets indirects qui sont importants. Or P.102 on lit : "Ces constatations, ajoutées à l’éloignement de la côte, permettent d’estimer négligeable le potentiel d’effet indirect sur l’alimentation en sable de la façade littorale avoisinante." "On espère, on estime" : nouveau la belle objectivité scientifique ...irrecevable dans ce genre de démarche.


L'augmentation de hauteur des vagues, au niveau du haut fond de Fouquet, est présentée comme minime, de l'ordre d'une dizaine de centimètres. MAIS une vague de dix centimètres fait, en cas de séisme dans le Pacifique, l'objet d'une alerte au tsunami. ET en ces temps de réchauffement dans le cadre du dérèglement climatique, la montée des eaux constatée mondialement a localement des traductions qu'on a eu tout le loisir d'observer en Bretagne durant les dernières tempêtes de cet hiver. Les Senans apprécieront en contemplant l'état de leur quai.


Les possibilités de régénération des dunes après prélèvements est du domaine de l'INCONNU...Espérons !


La turbidité, même provisoire, et minimisée par le mode de prélèvement (aspiration), sera néanmoins dommageable au conditions de FRAI dans ce secteur! A contrario, l'aspiration des sables, sera nettement moins sélective sur le phytoplancton, maillon essentiel de la chaîne alimentaire. Et on n'est donc pas dans les effets "imperceptibles" comme affirmer, cette fois péremptoirement, page 122.

Même effet destructeur sur le benthos!? avec la perspective d'une "baisse significative du nombre d'espèces" - page 124. Baisse de 75 à 80 % de la diversité. Et ces effets négatifs seront durables puisque les prélèvements sont prévus sur huit années, en l'état actuel du dossier.



SUR LA RESSOURCE HALIEUTIQUE, le rapport envisage des effets comparables, quelle que soit la méthode de prélèvement. Mais de toute façon NÉGATIFS sur les espèces BENTHIQUES qui sont une des ressources du marché de la pêche locale. Cela impacterait donc DIRECTEMENT l'économie déjà fragile des quartiers maritimes concernés.

Il faut prendre en compte les effets particuliers sur les poissons fourrage et les lançons, aliments de espèces nobles : saint Pierre, merlan, morues raie, plie , congre, mais aussi Grondin, turbot et barbue. Page 130.



Il EXISTE LÀ un effet direct de DÉRANGEMENT SUR LES ESPÈCES PÉLAGIQUES et page 133, la problématique de l'atteinte d'une zone de FRAYÈRE se confirme. Elle "est attendue"- sur le peuplement juvénile de chinchards, important dans la chaîne alimentaire.

Seul le dérangement de l'avifaune peut être admis comme minime, puisque les oiseaux n'auront qu'à aller voir ailleurs... Entre deux dégazages.

On peut envisager un DÉRANGEMENT DIRECT SUR L'ACTIVITÉ DE PÊCHE - page 138 . Les effets topographiques majoreront les contraintes pour les activités intercurrentes de chalutage en particulier.(arts traînants). Ils n'auront, eux aussi , qu'à aller voir ailleurs, surtout à la belle saison.

page 142 - Le rapport admet des effets sur plusieurs espèces recensées comme d'intérêt communautaire dans le cadre de Natura 2000.


Les efforts de présentation d'informations à destination des lecteurs du rapport, présentes page 144 sont des conditions minimales pour permettre au public un choix éclairé! mais ces efforts ne constituent en rien un droit naturel à l'autorisation d'exploitation, qui en découlerait automatiquement.


Les mesures d'auto surveillance ont leur limite car on ne peut être juge et partie. Elles sont nécessaires, mais pas suffisantes. Si ce projet venait à être malheureusement validé, les mesures de contrôle des services de l'état devront être portées à la connaissance du public en temps réel.

Les modélisations proposées ont leur intérêt, mais on sait que tout modèle (sismique, météorologique) ne reste qu'un modèle, pas des prévisions, et n'empêche aucune catastrophe.



L'absence totale d'objectivité des rapporteurs impose au minimum une contre expertise par des scientifiques indépendants.

Mais les atteintes attendues à la filière pêche, et les risques pour les rivages de l'Ile de Sein sont suffisantes pour demander l'annulation pure et simple du projet.

La situation de la concession dans le périmètre du Parc d'Iroise mettra ses élus devant leurs responsabilités.

Il faut y ajouter le refus de voir ces sables calcaires aller bénéficier à une industrie agroalimentaire intensive et non respectueuse de l'environnement que j'ai toujours combattue.

Pour toutes ces raisons, je ne peux que signifier ma totale opposition à ce projet.



Docteur Catherine BOUDIGOU-FILLASTRE

médecin des hôpitaux, navigatrice, écologiste

Ancienne Conseillère régionale des Pays de la Loire 1998-2004

membre de la commission industrie, agriculture et pêche.

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